E poi...
J'ai quitté la Suisse sans regarder derrière moi, avec le sentiment de commencer une nouvelle vie. Mon travail de musicienne me plaisait beaucoup, c'est vrai, mais j'avais souvent l'impression de vivre grâce à des "petits boulots", quelque chose qu'on peut faire tant qu'on est jeune. J'aurais bien aimé avoir un poste fixe dans un orchestre, mais je n'avais pas l'agressivité ni le niveau nécessaire pour faire face aux concours d'orchestre. Beaucoup de mes amis musiciens, très doués, couraient d'un concours à l'autre sans arriver à avoir de place.
Avant de partir, je me suis inscrite à un master en musicothérapie à l'université de Venise. Ce métier, que je ne connaissais pas vraiment (je m'en suis rendue compte quand j'ai commencé mes études) me paraissait un bon moyen pour rester en contact avec la musique. J'avais l'intention de continuer à enseigner le violoncelle, tout en recommençant petit à petit à jouer.
Et puis... rien ne s'est passé comme prévu. Une semaine après le déménagement, l'université de Venise a appelé pour annoncer que le début du master était repoussé de presque un an. Je n'ai trouvé aucun élève de violoncelle. J'ai commencé un autre cours de musicothérapie, un "post-grad" à Bologne, où je devais me rendre trois jours par mois. J'ai trouvé un travail intéressant dans un laboratoire de psycho-linguistique. J'ai essayé plusieurs fois de me remettre à jouer du violoncelle, mais à chaque fois les douleurs de mon poignet se réveillaient.
Sans m'en rendre compte, j'ai complètement coupé les ponts avec tout le côté "professionnel" de la musique: j'ai appris à improviser (j'ai encore des progrès à faire dans ce domaine, mais quand on vient du Conservatoire ça n'est pas facile!), j'ai appris à communiquer musicalement avec des personnes en difficulté, j'ai fondé une chorale (dont certains membres ne savaient même pas lire les notes)... et à chaque fois que je racontais mon histoire à un musicien professionnel, je sentais un mouvement imperceptible de recul, comme si j'étais contagieuse, ou que j'avais en quelque sorte trahis... trahis quoi, je ne le sais pas. Heureusement, le monde "professionnel" de la musique ne croisait presque jamais ma route.
Je ne sentais pas de manque, j'étais bien dans ma nouvelle vie. J'ai découvert le bonheur de la vie à deux, je me suis fait de nouveau amis, j'ai appris une nouvelle langue, j'ai découvert un pays, j'ai eu mon diplôme de musicothérapeute, je me suis mariée... une vie agréable dans une petite ville de province.
Mais maintenant tout me semble différent. Dans environ trois mois, nous allons déménager à Berlin. Et je me rends compte que j'ai une trouille bleue. Ce qui me fait le plus peur, c'est de me retrouver dans une ville si pleine de culture. J'ai peur de reprendre brutalement contact avec le monde des musiciens, j'ai peur de regretter de ne plus être dans le coup... J'aime mon métier des musicothérapeute, mais j'ai peur qu'il pâlisse à mes yeux quand je me retrouverai au concert, en face d'un orchestre.
Et ne venez pas me dire que tout va bien se passer, je le sais. J'ai réussi à me construire une vie à Trieste, il n'y a pas de raison que je n'y arrive pas à Berlin. N'empêche que j'ai la trouille!!!
Avant de partir, je me suis inscrite à un master en musicothérapie à l'université de Venise. Ce métier, que je ne connaissais pas vraiment (je m'en suis rendue compte quand j'ai commencé mes études) me paraissait un bon moyen pour rester en contact avec la musique. J'avais l'intention de continuer à enseigner le violoncelle, tout en recommençant petit à petit à jouer.
Et puis... rien ne s'est passé comme prévu. Une semaine après le déménagement, l'université de Venise a appelé pour annoncer que le début du master était repoussé de presque un an. Je n'ai trouvé aucun élève de violoncelle. J'ai commencé un autre cours de musicothérapie, un "post-grad" à Bologne, où je devais me rendre trois jours par mois. J'ai trouvé un travail intéressant dans un laboratoire de psycho-linguistique. J'ai essayé plusieurs fois de me remettre à jouer du violoncelle, mais à chaque fois les douleurs de mon poignet se réveillaient.
Sans m'en rendre compte, j'ai complètement coupé les ponts avec tout le côté "professionnel" de la musique: j'ai appris à improviser (j'ai encore des progrès à faire dans ce domaine, mais quand on vient du Conservatoire ça n'est pas facile!), j'ai appris à communiquer musicalement avec des personnes en difficulté, j'ai fondé une chorale (dont certains membres ne savaient même pas lire les notes)... et à chaque fois que je racontais mon histoire à un musicien professionnel, je sentais un mouvement imperceptible de recul, comme si j'étais contagieuse, ou que j'avais en quelque sorte trahis... trahis quoi, je ne le sais pas. Heureusement, le monde "professionnel" de la musique ne croisait presque jamais ma route.
Je ne sentais pas de manque, j'étais bien dans ma nouvelle vie. J'ai découvert le bonheur de la vie à deux, je me suis fait de nouveau amis, j'ai appris une nouvelle langue, j'ai découvert un pays, j'ai eu mon diplôme de musicothérapeute, je me suis mariée... une vie agréable dans une petite ville de province.
Mais maintenant tout me semble différent. Dans environ trois mois, nous allons déménager à Berlin. Et je me rends compte que j'ai une trouille bleue. Ce qui me fait le plus peur, c'est de me retrouver dans une ville si pleine de culture. J'ai peur de reprendre brutalement contact avec le monde des musiciens, j'ai peur de regretter de ne plus être dans le coup... J'aime mon métier des musicothérapeute, mais j'ai peur qu'il pâlisse à mes yeux quand je me retrouverai au concert, en face d'un orchestre.
Et ne venez pas me dire que tout va bien se passer, je le sais. J'ai réussi à me construire une vie à Trieste, il n'y a pas de raison que je n'y arrive pas à Berlin. N'empêche que j'ai la trouille!!!
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